Introduction
Il aura fallu 35 ans d’attente avant de replonger dans l’univers de Blade Runner. Conscient de l’héritage qu’il porte, Denis Villeneuve accouche d’une suite qui dépasse nos attentes.

En bref
8.5 / 10
Date de sortie française : 04/10/2017
Durée : 164 min
De : Denis VILLENEUVE
Genre : Science-Fiction, Thriller
Pays : USA
Avec : Ryan GOSLING (Officier K), Harrison FORD (Rick DECKARD), Jared LETO (Niander Wallace), Ana DE ARMAS (Joi), Sylvia HOEKS (Luv), Robin WRIGHT (Lieutenant Joshi), Dave BAUTISTA (Sapper Morton), Mackenzie DAVIS (Mariette), Edward James OLMOS (Gaff), Carla JURI (Dr. Ana Stelline)
Scénario : Michael GREEN, Hampton FANCHER
D’après l’oeuvre de : Philip K. DICK
Musique : Hans ZIMMER, Benjamin WALLFISCH
Photographie : Roger DEAKINS
Effets spéciaux : Gerd NEFZER
Effets visuels : Richard CLEGG, Paul LAMBERT, Nicolas MAILLARD
Cascades : Joel KRAMER
Production : Alcon Entertainment, Scott Free Productions, Bud Yorkin Productions, 16:14 Entertainment, Columbia Pictures, Thunderbird Films, Torridon Films, Warner Bros.
Distribution : Sony Pictures Releasing France
Synopsis
En 2049, la société est fragilisée par les nombreuses tensions entre les humains et leurs esclaves créés par bio-ingénierie. L’officier K est un Blade Runner : il fait partie d’une force d’intervention d’élite chargée de trouver et d’éliminer ceux qui n’obéissent pas aux ordres des humains. Lorsqu’il découvre un secret enfoui depuis longtemps et capable de changer le monde, les plus hautes instances décident que c’est à son tour d’être traqué et éliminé. Son seul espoir est de retrouver Rick Deckard, un ancien Blade Runner qui a disparu depuis des décennies…
Le retour très attendu d'un monument de la science-fiction : Blade Runner
La renaissance d’une licence culte est semée d’embûches et ce n’est pas Ridley Scott qui dira le contraire. Si le retour du xénomorphe fut une jolie opération financière pour la Fox, la nouvelle franchise Alien n’a pas su convaincre la majorité des fans de la première heure. Le réalisateur britannique s’est donc cantonné à la production en laissant les rênes à Denis Villeneuve, devenu en quelques années l’étendard d’un cinéma grand public aux forts accents indépendants.
De Sicario à Premier Contact, le québécois a réussi à imposer sa patte graphique grâce à une mise en scène élégante, favorisant toujours la contemplation à l’action. C’était également la grande qualité de Blade Runner, auquel Villeneuve a voulu rendre hommage. Et il s’est bien entouré.
Blade Runner 2049 est un film visuellement superbe. Peut-être plus que son aîné. Bien que dominée par l’obscurité et le brouillard, la lumière perce enfin. Si Roger Deakins (le directeur de la photographie) n’a plus rien à prouver, il livre à bientôt 70 ans une œuvre en forme de requiem. Les plans prennent l’allure de tableaux dont la symétrie subjugue. Le Britannique s’emploie à jalonner les lignes de force de toute sorte d’éléments, avec une précision mathématique. Un arbre, un bâtiment ou un rayon de soleil viennent sans cesse se confronter à la silhouette trapue de Gosling, souvent filmé via des plans panoramiques somptueux.
La scénographie de Villeneuve sert avant tout le récit. Avec la même dualité qui opposait les êtres tentaculaires de Premier Contact à leur propre vaisseau, il confronte sans cesse l’organique au minéral. Malgré la présence écrasante de la pierre et du métal, un filet d’eau ou de lumière rappelle toujours l’existence du vivant. C’est notamment le cas dans les bureaux de Niander Wallace, un homme qui pense que ses robots peuvent devenir plus humains que leur modèle. Le réalisateur n’a pas simplement compris l’essence même du film original, il a réussi à véritablement la retranscrire à l’écran.
Perfectionniste, il perpétue ce contraste jusque dans la direction des acteurs. L’occasion de constater l’excellente composition du casting. Les replicants, d’habitude si froids, semblent éprouver des émotions que les humains ne ressentent plus. C’est ainsi qu’un tremblement de mains, un regard gêné ou le début d’une larme dénote avec l’aspect taciturne de l’agent K (Ryan Gosling). Même constat pour Luv (Sylvie Hoeks), qui étonne en androïde dévoué, presque touché par une jalousie qu’elle n’est pas censée connaitre. De son côté, l’implacable Robin Wright (House of Cards) prolonge ce paradoxe en campant une humaine aussi froide qu’un robot.
Ce règne du faux fait partie intégrante du film, et se répand évidemment sur le scénario. Sans rentrer plus dans les détails, Villeneuve laisse longtemps planer le doute sur la nature de l’agent K, un blade runner prenant peu à peu conscience qu’il élimine des gens qui lui ressemble. Face à un secret qui remet l’ensemble de la société en cause, le réalisateur fusionne la petite histoire à la grande, et conclut une bonne partie de l’arc narratif débuté en 82. Il prend même son temps pour le faire, ce qui pourrait déplaire à ceux qui s’attendaient à une suite plus explosive et portée sur l’action. Ils seront néanmoins maintenus en éveil par la tonitruante bande-son d’Hans Zimmer, toutefois moins distinguée que celle de Vangelis.
Mais la force du film est ailleurs, hors du sentier scénaristique principal si important pour les fans du premier opus. Villeneuve opère différentes digressions assez poétiques sur la vie des replicants. Utilisés comme des objets de services, ils ont eux aussi droit d’utiliser une IA de compagnie, nommée JOI (interprétée par Ana de Armas). Paramétrable à souhait, cette « replicante » de replicant représente une présence salvatrice dans la solitude supposée de ce gigantesque périmètre urbain.
Mais une nouvelle fois, cette entité aspire à être plus que ce que sa nature lui autorise. Un paradoxe qui se conclut par une des plus belles scènes d’amour de la SF de ces dernières années. Sans jamais perdre de vue l’esthétique de son modèle, Blade Runner 2049 prolonge sa vision d’une manière que n’aurait pas reniée Philip K.Dick.
Verdict
Blade Runner 2049 rend un formidable hommage à l’oeuvre de Ridley Scott. Visuellement sublime, le film de Denis Villeneuve utilise d’abord l’image pour faire surgir la réflexion principale de la saga, opposant toujours humanité et robotique. Les spectateurs recevront une bonne partie des réponses qu’ils sont venus chercher, mais quitteront la salle avec de nouvelles interrogations. Une passation de relais aussi élégante que puissante, qui confine au tour de force.
Photographie
Secrets de tournage
Le réalisateur Denis Villeneuve confie au sujet du premier film : « J’ai toujours été attiré par les films de science-fiction ayant une signature visuelle qui vous entraîne dans un monde parallèle unique, et Blade Runner est ce qu’il y a de mieux en la matière. Ridley Scott a eu l’idée géniale de mêler SF et film noir afin de créer cette exploration unique de la condition humaine. Ce nouveau Blade Runner sera une extension du premier film plusieurs années après. »
Harrison Ford a révélé au cours d’une interview pourquoi il a accepté de reprendre son rôle iconique dans Blade Runner 2049, 35 ans après la sortie du film original. Après Indiana Jones puis Han Solo dans Le Réveil de la Force, Harrison Ford s’est de nouveau tourné vers le passé en retrouvant cette fois-ci le personnage de Rick Deckard dans Blade Runner 2049, la suite trente-cinq après du film culte de Ridley Scott. Et s’il paraît impensable que ce film ait pu voir le jour sans le comédien, ce dernier a néanmoins révélé lors d’une interview les raisons qui l’ont poussé à reprendre le rôle : « La façon dont le personnage est introduit dans l’histoire m’a intrigué. Il y a un contexte émotionnel très fort. La relation entre le personnage de Deckard que je joue et les autres personnages est fascinante. Je pense qu’il est intéressant de développer un personnage après autant de temps, de le revisiter. »
Au départ, Denis Villeneuve était contre l’idée d’une suite au film culte Blade Runner, craignant que cela ne dénature l’oeuvre originale. Mais après avoir lu le scénario, le réalisateur de Prisoners a été convaincu, déclarant que c’était un des meilleurs scripts qu’il ait jamais lu. À noter que le scénario a été écrit par Hampton Fancher, scénariste du premier film, Michael Green et Ridley Scott.
Avec Blade Runner 2049, Ryan Gosling s’implique pour la première fois sur un blockbuster : « J’essaie de ne pas faire de discrimination vis à vis des budgets des films… mais c’est vrai qu’à chaque fois, je ne le sentais pas trop », confie l’acteur à Entertainment Weekly. « Je suis content d’avoir attendu ! »
« Parce que Blade Runner a été l’un des premiers films que j’ai vu et dont je ne savais pas trop quoi penser, une fois le générique de fin terminé. La frontière entre les héros et les méchants était tellement floue… Ce n’est pas un voyage héroïque, en aucune façon. C’est ça qui m’a plu. Sur le plan thématique, il y a tellement de choses dans le film en plus ! C’est tellement riche, mélancolique, romantique. C’est si spécial. Tant d’autres films ont volé des idées à Blade Runner, mais ils ne pourraient jamais voler son âme. Je me sens chanceux d’entrer dans ce monde.
Le mieux, c’est que tu as la possibilité de traîner avec Harrison Ford et tu te rend compte que tous ces moments emblématiques de ses films que tu aimes viennent directement de lui ! Comme « Je vous aime » de Star Wars, ou quand Indiana Jones tire sur le mec… Il est juste comme ça tout le temps. Normalement, je dirais qu’il y a des centaines de façons de jouer n’importe quelle scène. Sauf si vous travailliez avec Harrison et vous vous rendez compte qu’il n’y a qu’une seule excellente façon de la faire. Et lui, il sait déjà comment ! »
En pleine promotion américaine de son Prometheus, un journaliste a demandé à Ridley Scott quelle serait sa vision de Blade Runner 2. Réponse de l’intéressé : « Il y aura de vastes terres agricoles sans barrières ou quoi que ce soit d’autre, à perte de vue, plates comme les plaines de – où sont les Grandes Plaines aux USA ? Au Kansas, où vous pouvez voir au loin sur des kilomètres. Et c’est de la terre, mais ça a été « ratissé ». A l’horizon on aperçoit une moissonneuse-batteuse futuriste avec des lampes à arc, parce que c’est l’aube. La moissonneuse est aussi grande que six maisons. Au premier plan, il y a une petite cabane de bois blanche avec un porche, comme si on était dans Les Raisins de la colère. Une voiture arrive de la droite, à deux mètres environ au-dessus du sol, poursuivie par un chien. Et c’est tout, je ne vous dirai rien d’autre ».
Les fans de Blade Runner vont se réjouir : le mystérieux personnage de Gaff, qui parle l’Esperanto et se passionne pour les origamis, sera de retour dans la suite du film culte signée Denis Villeneuve. Le comédien Edward James Olmos a lui-même annoncé la grande nouvelle dans l’émission The Trend Talk Show : il reprendra bien son rôle de Gaff dans Blade Runner 2049. Dans le film culte de Ridley Scott sorti en 1982, Gaff assistait Rick Deckard dans son enquête. Parlant surtout l’Esperanto, c’est lui qui faisait comprendre au héros que personne n’était dupe de ses véritables intentions quant à l’androïde Rachel (Sean Young). Expert en confection d’origamis, c’est également lui qui semait tantôt des cocottes en papier, tantôt un bonhomme en allumettes sur son chemin, allant même jusqu’à déposer une petite licorne devant l’appartement de Rick Deckard, lui signalant ainsi la possibilité qu’il soit lui-même un Répliquant aux souvenirs fabriqués.
Niander Wallace, inventeur de Répliquants obéissants, succède au Dr. Eldon Tyrell de Blade Runner. Il est interprété par Jared Leto dans la suite de Denis Villeneuve, qui voulait initialement David Bowie pour le rôle. Etonnante information que le réalisateur a confiée au site anglais Metro peu avant la sortie de Blade Runner 2049 ! Le rôle que tient Leto dans la suite du classique signé Ridley Scott aurait donc dû être proposé à David Bowie qui, malheureusement, souffrait déjà d’un cancer dont il ne se relèverait pas lorsque le réalisateur songeait à le contacter. « Notre premier choix [pour Niander Wallace] était David Bowie, qui a eu une telle influence sur Blade Runner« , déclare Denis Villeneuve. Il ajoute : « Quand nous avons appris la triste nouvelle, nous nous sommes mis en quête d’un acteur similaire ».
Durant le tournage à Budapest, l’équipe de Blade Runner 2049 a été endeuillée par le décès d’un technicien de 28 ans qui démontait le plateau de tournage, jeudi 25 août 2016. Travaillant sous une plateforme qui maintenait une lourde charge, le jeune homme a été surpris par l’effondrement de l’installation dans le studio Origo. Le tournage était déjà terminé à cet emplacement lorsque l’incident a eu lieu. La suite de Blade Runner a ensuite continué sa production en Hongrie dans le studio Korda, près du village d’Etyek, à quelques kilomètres à l’ouest de Budapest.
Blade Runner 2049 a été classé R (interdit aux moins de 17 ans non-accompagnés) aux Etats-Unis. Les raisons : sa violence, ses références au sexe, sa nudité et son langage.
Pour les besoins du tournage de Blade Runner 2049, Jared Leto a surpris son réalisateur Denis Villeneuve en allant jusqu’à se rendre temporairement aveugle pour incarner le personnage de Niander Wallace. Dallas Buyers Club, Suicide Squad… On sait que Jared Leto a pour habitude de s’impliquer corps et âme dans ses rôles. Son implication dans Blade Runner 2049 ne devrait pas déroger à la règle. On a appris en effet, via une interview donnée à The Wall Street Journal, que le comédien est devenu temporairement aveugle pour les besoins du film de Denis Villeneuve. « On a entendu toutes les histoires au sujet de Jared, comment il se transforme pour ses personnages, mais même de savoir cela ne m’a pas préparé à ce qu’il a fait, confie le réalisateur Denis Villeneuve. Il ne pouvait pas voir du tout. Il marchait avec un assistant, très doucement. C’était comme voir Jésus entrer dans un temple. Tout le monde est devenu super silencieux, et c’était comme un moment sacré. Tout le monde était en admiration. C’était tellement beau et puissant – j’étais ému aux larmes. »
Durant une interview accordée à Cinemablend, Dave Bautista s’est confié sur la manière dont il a réussi décrocher le rôle de Sapper dans Blade Runner 2049. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a dû cravacher : « Je filmais Les Gardiens de la Galaxie 2 et je suis allé rencontrer Denis Villeneuve. Nous n’avions pas commencé la conversation depuis longtemps, vraiment pas longtemps, quand il m’a dit : « Je déteste te dire ça mon ami, mais tu es trop jeune pour le rôle ». J’avais le cœur brisé. Mais pas seulement le cœur brisé, j’ai l’habitude qu’on me dise que je suis trop vieux pour des rôles. Donc là j’étais juste frustré. Nous avons parlé pendant des heures de tout et de rien, de films, de la vie, de Montreal. Et je suis parti satisfait parce que je le respecte vraiment, j’admire son travail. Puis, on m’a demandé de faire un test maquillages donc j’ai dit : « Pas de problème. J’en suis ! ». Donc je l’ai fait, ils ont envoyé les photos et là « ça ne marche toujours pas ! ». Alors ils ont voulu que je fasse un test à l’écran. Les producteurs m’ont vraiment supporté pour ce rôle, mais ils ne voulaient pas aller contre les souhaits de Denis, lui il pensait juste que j’étais trop jeune. Puis, j’ai donc fait le test et Denis a dit : « ça marche ! » Et j’étais là : « Ouiiii ! »