Introduction
Vingt ans après Le Cinquième Élément, Luc Besson revient au space-opera avec une adaptation de la BD française Valérian et Laureline. Désormais production française la plus onéreuse de l’histoire, Valérian et la Cité des Mille Planètes signe le retour gagnant du réalisateur dans un genre qu’il affectionne particulièrement.

En bref
6.7 / 10
Date de sortie française : 26/07/2017
Durée : 137 min
De : Luc BESSON
Genre : Action, Aventure, Fantastique, Science-Fiction
Pays : France, Chine, Belgique, EAU, USA, Allemagne, Canada, Angleterre
Avec : Dane DEHAAN (Valérian), Cara DELEVINGNE (Laureline), Clive OWEN (Commandant Arün Filitt), Rihanna (Bubble), Ethan HAWKE (Jolly), Kris WU (Sergent Neza), Sam SPRUELL (Général Okto Bar), Alain CHABAT (Bob, le pirate), Rutger HAUER (Le Président de la Fédération Humaine)
Scénario : Luc Besson
D’après les personnages créés par : Jean-Claude MEZIERES, Pierre CHRISTIN
Musique : Alexandre DESPLAT
Photographie : Thierry ARBOGAST
Effets spéciaux : Philippe HUBIN, Jean-Christophe MAGNAUD
Effets visuels : Jérome LIONARD, Scott STOKDYK
Cascades : Laurent DEMIANOFF
Production : Valérian SAS, EuropaCorp, Fundamental Films, TF1 Films Production
Distribution : EuropaCorp Distribution
Synopsis
Au 28ème siècle, Valérian et Laureline forment une équipe d’agents spatio-temporels chargés de maintenir l’ordre dans les territoires humains. Mandaté par le Ministre de la Défense, le duo part en mission sur l’extraordinaire cité intergalactique Alpha – une métropole en constante expansion où des espèces venues de l’univers tout entier ont convergé au fil des siècles pour partager leurs connaissances, leur savoir-faire et leur culture. Un mystère se cache au cœur d’Alpha, une force obscure qui menace l’existence paisible de la Cité des Mille Planètes. Valérian et Laureline vont devoir engager une course contre la montre pour identifier la terrible menace et sauvegarder non seulement Alpha, mais l’avenir de l’univers.
Valérian ou le retour gagnant de Luc Besson dans le space-opera
Bienvenue au XXVIII ème siècle
Valérian et Laureline, créés par Christin et Mézières dans les années 60, sont deux personnages qui ont marqué la science-fiction française. Les aventures des deux agents spatio-temporels étaient en avance sur leur temps, aussi bien au niveau graphique que scénaristique. Ainsi, la saga a inspiré bon nombre d’œuvres par la suite (Star Wars en tête), mais n’a jamais été adaptée en film. Vouloir porter ce classique à l’écran était risqué pour Besson, qui s’attaquait là à un monument. Le réalisateur a mis tout son amour, tout son talent et surtout beaucoup d’argent pour nous livrer une oeuvre sincère, belle, inventive, parfois maladroite, mais diablement réussie. Son oeuvre.
L’album L’Ambassadeur des Ombres est ici porté à l’écran. Un opus soigneusement choisi – le premier à avoir été publié hors de France – qui représente un bon point de départ dans l’univers de Valérian. Et Luc Besson ne s’est pas contenté de porter la licence à l’écran, puisqu’il a parfaitement réussi à retranscrire son âme sur la pellicule. Le résultat ? Un film qui sort des canons habituels des blockbusters américains.
Un univers incroyablement inventif
Luc Besson s’est attelé à revisiter un univers de science-fiction qui fête ses cinquante ans cette année. Modernisant nombre d’aspects immanquablement datés, le réalisateur parisien arrive à nous scotcher du début à la fin. Chaque scène, chaque environnement (il y en a beaucoup !), chaque culture alien est un bijou d’imagination, un prétexte de mise en scène qui surprend le spectateur en lui présentant des concepts inédits à l’écran, même si le procédé s’essouffle vers la fin.
Un univers incroyablement riche qui arrive à s’épanouir sur les deux heures du film, encore plus que pour Le Cinquième Élément. Cette mise en scène grandiloquente a parfois pour conséquence d’écraser un peu des personnages, qui voient alors leur développement occulté par celui du monde en lui-même. Néanmoins, Besson arrive à se raccrocher à l’oeuvre originale et conserve la candeur de Laureline ou le côté goguenard de Valérian. Des personnages loin des carcans Hollywoodiens habituels qui évoluent hélas à travers un récit très classique, sacrifié au profit d’un univers devenu entité à part entière. L’aventure du film n’est en effet composée que d’une succession de péripéties qui n’ont pas forcément pour but de faire évoluer l’histoire principale. Une narration trop conventionnelle, faite de digressions (parfois longues) qui éloignent nos héros de leur but. Si la chose alourdi le schéma narratif sur le papier, elle se rattrape finalement bien à l’écran, tant chaque séquence est pensée pour être une petite histoire à part entière. Le film ne souffre donc pas vraiment de ce découpage.
Valérian n’est pas parfait, loin de là, puisque quelques petites déceptions viennent entacher ce tableau élogieux. Besson a fait le choix de se passer du compositeur Eric Serra, puisque c’est ici Alexandre Desplat qui se charge de la bande-son. Bien qu’efficace, sa partition est malheureusement trop sage pour marquer les esprits. On regrettera également la tendance de Besson à insister sur certains traits d’humour, comme s’il avait peur que le spectateur n’ait pas tout de suite compris. Enfin, les digressions scénaristiques citées auparavant apportent quelques moments de flottement et nous font parfois perdre de vue l’objectif principal de nos héros. Mais le soin apporté à ce grand décorum, qui fait quasiment office de personnage, devrait malgré tout finir de convaincre les amateurs de space-opera.
Verdict
Inventif, beau, et visuellement original, le Valérian de Luc Besson est une réussite qui vient tutoyer les classiques du genre. Bouffée d’air frais dans un paysage de blockbusters SF de plus en plus lisses, il emmène le spectateur dans un univers aussi riche que fascinant. On tient le successeur du Cinquième Élément.
Photographie
Secrets de tournage
« À l’âge de dix ans, je me rendais chez le marchand de journaux tous les mercredis. Un jour, j’ai découvert un magazine intitulé Pilote, où on trouvait la BD Valérian et Laureline. Je me suis dit : ‘Mais qu’est-ce que c’est ?’ Ce jour-là, je suis tombé amoureux de Laureline et j’ai aspiré à devenir Valérian. C’étaient les années 70, et c’était la première fois qu’on voyait un personnage féminin moderne aussi dur à cuire. Il ne s’agissait pas d’une histoire de super-héros en costumes -c’était bien plus léger, bien plus libre, et bien plus satisfaisant, parce que Laureline et Valérian sont l’équivalent de deux flics tout à fait normaux, sauf qu’ils évoluent au XXVIIIe siècle et que leur univers est à la fois étrange et merveilleux. »
Le personnage de Laureline, « premier amour » de Luc Besson qui n’a que dix ans quand il découvre la bande dessinée, arrive paradoxalement tard dans la filmographie du cinéaste, alors qu’elle a grandement inspiré son cinéma et ses héroïnes, des femmes fortes et indépendantes. « C’est un agent spatio-temporel, qui voyage dans l’espace, qui porte une combinaison et qui met des baffes à des aliens. C’est la mère de Leeloo, de Nikita, de Lucy… De beaucoup de mes héroïnes. »
Luc Besson collabore avec Jean-Claude Mézières, dessinateur de Valérian, dès le début des années 90 : l’artiste vient alors participer à l’élaboration de l’univers visuel du Cinquième Elément, en prêtant notamment ses taxis volants au New York futuriste où évolue Korben Dallas / Bruce Willis. « Jean-Claude Mézières m’a dit : ‘Mais pourquoi tu fais ça ? Tu devrais faire Valérian ! Lorsque j’ai relu les BD, j’ai compris qu’il était impossible d’adapter l’histoire au cinéma. La technologie de l’époque ne permettait pas de reconstituer tous ces univers et toutes ces créatures . Il faudra attendre encore dix ans, et le tournage d’Avatar sur lequel James Cameron convie Luc Besson, pour lancer le projet : « Grâce à Avatar, on a eu l’impression que tout était désormais possible. Je me souviens m’être dit : ‘Un jour je me remettrai à la science-fiction armé de ces nouveaux outils technologiques grâce auxquels l’imagination peut s’exprimer à loisir’. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de m’atteler à Valérian ». Pour l’anecdote, Luc Besson avait visité le plateau d’Avatar sans percevoir totalement la vision de James Cameron : il en prendra conscience en salles, au moment de la sortie du film, à peine une semaine après avoir bouclé une première version du scénario de Valérian. Une version qui finira à la poubelle, Luc Besson décidant de reprendre son travail pour lui donner plus d’envergure.
Valérian et la Cité des mille planètes est adapté de la série de bandes dessinées de Pierre Christin et Jean-Claude Mézières, publiée pour la première fois en 1967 dans le magazine Pilote. Parmi les 23 tomes existants, le cinéaste a choisi l’album L’Ambassadeur des Ombres, tout en y injectant ses propres envies de scénariste : « Au départ, il y a une histoire à raconter. La base de cette histoire s’inspire de cet album, mais ce n’est qu’un début de trame. A partir de là il faut oublier la BD et raconter son histoire sur deux heures. On revient ensuite vers les BD pour définir si certains éléments peuvent aider à raconter cette histoire. C’est un aller-retour permanent, où on s’inspire de la BD pour la quitter. Pour y revenir et pour la quitter à nouveau. Une BD se lit en vingt minutes. Un film dure deux heures. Il faut donc impérativement sortir des cases. Christin et Mézières sont les premiers à m’avoir libéré complètement, et à m’inciter à sortir des cases et des bulles et à les surprendre. »
Une équipe réduite de créatifs a travaillé en étroite collaboration avec Luc Besson pour élaborer l’univers, les personnages, les créatures, les costumes, les véhicules et les ambiances de Valérian. Les artistes ont scrupuleusement été choisis par le cinéaste après un appel à candidatures lancé au près d’un millier d’écoles de design. La production recevra plus de trois mille réponses, et choisira douze talents, finalement réduits à cinq artistes : Patrice Garcia, Ben Mauro, Marc Simonetti, Feng Zhu et Alain Brion. Une équipe à laquelle se joindra le concept-designer Sylvain Despretz par la suite. En lien direct avec Luc Besson, avec une grande liberté artistique, ils auront nourri les différents départements et chefs de postes avec plus de 6000 dessins. Au final, Valérian a été inspiré à 25% par les bandes dessinées et l’océan (un univers qui, on le sait, tient à cœur à Luc Besson)… et à 75% par ce travail de recherche et développement.
Malgré la richesse visuelle de l’univers élaboré, Luc Besson a fait en sorte d’avoir une approche usuelle de la science-fiction, en abordant le long métrage comme une enquête de deux policiers dans un quartier lambda. Il reste ainsi collé au récit, sans jamais s’attarder sur les créatures et décors qui peuplent la Cité des mille planètes : « Si on commence à se faire plaisir ou à se faire berner par la beauté ou l’imagination, on est mort. Il faut avoir cette rigueur de se dire que c’est peut-être beau, mais que ce n’est pas ce que je raconte. Et essayer d’en mettre le maximum dans ce moment précis et ce cadre-là, pour que ce soit beau et intéressant, mais sans en faire le sujet principal. Quand les aliens arrivent, il n’y a jamais un plan de trop. Ils viennent, ils ont une fonction, ils font ce qu’ils ont à faire et ils s’en vont. On ne s’arrête pas sur un détail de la créature, on reste concentré sur son histoire ».
Le scénario de Valérian a été bouclé le 15 juin 2015. Le 29 juin 2015, Luc Besson entame le pré-tournage chez WETA. Le tournage débute quant à lui le 5 janvier 2016 à la Cité du Cinéma de Saint Denis, et se termine le 3 juin 2016, avec quatre jours d’avance sur le planning initialement prévu. Des plans additionnels seront tournés en juillet 2016 sur une plage paradisiaque pour être intégrés sur certaines scènes « fond bleu » du long métrage. Le 17 mai 2017, Pierre Christin et Jean-Claude Mézières sont invités à découvrir le film final. « Je suis heureux qu’on ait pris le temps qu’il fallait pour faire le film. Je suis un marathonien : lorsque je tourne, je ne cours pas un 100 mètres, mais plutôt un 20 kilomètres. J’ai l’habitude des tournages qui durent longtemps. Pour Le Grand Bleu, on a passé 24 semaines sous l’eau, et 22 sur la terre ferme. Le tournage de Jeanne d’Arc a duré 24 semaines. Je suis très têtu,si bien que les 100 jours de tournage de Valérian m’ont paru presque faciles ».
Afin de protéger le projet de toute fuite, Luc Besson et sa productrice Virginie Besson-Silla ont permis aux acteurs de le lire une seule et unique fois, d’une traite, sous surveillance. « J’ai passé une heure et demie, seule, dans une pièce à lire le scénario et je l’ai dévoré tellement c’était captivant ! », se souvient ainsi Cara Delevingne.
Pour préparer leur rôle d’agents spatio-temporels régulièrement confrontés à des civilisations extraterrestres, Dane DeHaan et Cara Delevingne ont dû apprendre par cœur les fiches descriptives des espèces apparaissant dans le long métrage (près de 200 !), rédigées par un trio d’élèves auteurs d’Ecole de la Cité (Fanny Talmone, Jules Lugan et Adrien Fargue).
Dane DeHaan et Cara Delevingne ont dû se soumettre à un entraînement sportif intense de sept mois en amont du tournage, afin de pouvoir camper Valérian et Laureline. Le comédien explique : « Il y avait des cascades à réaliser presque tous les jours, et il était important que je nourrisse ma prestation de l’énergie ultra-positive de Valérian. J’ai dû faire beaucoup de sport parce qu’avant d’obtenir le rôle, j’étais loin de ressembler à un type capable de sauver l’univers ! »
« Il a fallu que je mette des coups de poings au visage de Clive Owen des centaines de fois », se souvient Cara Delevingne. « Je suis sûre que je lui ai entaillé le nez au moins deux fois parce que j’ai du mal à évaluer les distances. Je me suis excusée et heureusement Clive n’est pas rancunier. »
Au cours de son aventure, Valérian croise la route de Bubble, une glampod artiste-comédienne métamorphe, qui permet à la diva RnB Rihanna de multiplier les tenues et de dévoiler ses talents d’actrice, après sa prestation remarquée dans la saison finale de Bates Motel. « Tout le monde m’a dit, ‘laisse tomber, tu n’y arriveras jamais’ », raconte Luc Besson. « Je leur ai répondu que ça ne coûtait rien d’essayer. Évidemment, Rihanna n’a pas peur des caméras, et elle se produit devant des milliers de spectateurs. Mais elle m’a dit : ‘Je suis une actrice débutante et si je veux apprendre, il faut que je travaille avec quelqu’un de bon’. Sa franchise m’a beaucoup touché, parce que si elle m’avait dit : ‘Je suis une superstar, ne me filme pas sous cet angle’, qu’est-ce que j’aurais pu y faire ? Elle a bien écouté mes conseils, s’est beaucoup appliquée, et ça a été un plaisir de travailler avec elle ». Rihanna a pour sa part grandement apprécié son passage durant une semaine devant la caméra du cinéaste français : « Il vérifiait mon maquillage, me donnait son avis sur chaque tenue, et me demandait comment je me sentais. Si quelque chose ne me plaisait pas, il était ouvert à la discussion parce qu’il voulait que je m’attache au personnage de Bubble, que je me mette dans sa peau. Je débute dans le monde du cinéma, et du coup, Luc s’est montré très patient et je l’en remercie. Il sait exactement comment s’y prendre pour obtenir la prestation qu’il attend de vous ». Pour l’anecdote, les créateurs de Valérian, Christin & Mézières ont visité les plateaux de tournage durant la mise en boîte de ces scènes.
« Le personnage de Bubble a été travaillé à partir des indications de Luc Besson. Il nous a fait jouer avec les codes de la femme transformiste et danseuse. Nous avons pris des stéréotypes de la mythologie de la femme fatale blonde, de l’artiste de cabaret, etc… C’est une gamme de costumes extrêmement précise et préparée, pour une artiste de music-hall qui sait se transformer et se mettre en scène dans chacune de ses chansons et de ses apparitions en public. Elle a totalement joué le jeu. Son équipe donne des indications très précises sur ses mesures, donc quand elle est arrivée tout était prêt et elle a pu jouer du personnage immédiatement. Ça s’est fait avec une facilité… déconcertante. (Rires) »
Parmi les stars croisées par Valérian au cours de son enquête dans les méandres de la Cité des mille planètes, Ethan Hawke se glisse dans le costume haut en couleurs de Jolly, proxénète et patron de Bubble / Rihanna. « Luc m’a dit que si Dennis Hopper était toujours en vie, c’est à lui qu’il aurait confié le rôle. Du coup, c’est de là que je suis parti. Je me suis mis dans la peau de Dennis Hopper et je me suis beaucoup amusé. Le tournage s’est déroulé exactement comme je l’imaginais : hyper créatif, très détendu, mais aussi soigneusement organisé ».
Comme il l’avait fait avec Brion James sur Le Cinquième Elément, Luc Besson a convié un ancien Réplicant de Blade Runner dans Valérian. Rutger Hauer a ainsi tourné une courte scène pour le film le 8 juin 2016… qui est pour l’anecdote sa date de mise en service dans le film-culte de 1982.
Parmi les visages (très) connus invités par Luc Besson à participer à cette aventure, les spectateurs pourront reconnaître le musicien Herbie Hancock en ministre de la défense ou Alain Chabat en pirate chasseur de méduses, ainsi que les cinéastes Xavier Giannoli, Benoît Jacquot, Gérard Krawczyk, Louis Leterrier, Olivier Megaton, Eric Rochant et Mathieu Kassovitz, venus faire une apparition clin d’œil. La propre fille du réalisateur, Thalia Besson, campe également un petit rôle d’officier.
Au-delà de la bande originale composée par Alexandre Desplat, la tracklist de Valérian comprend quelques titres connus, à l’image du Space Oddity de David Bowie, Jamming de Bob Marley & The Wailers, ou un remix de Staying Alive par Wyclef Jean. Deux autres chansons notables sont également intégrées à cette BOF : A Million On My Soul d’Alexiane, qui habille le générique final, ainsi que I Feel Everything chanté par… Cara Delevingne, alias Laureline.
Afin d’obtenir une cohérence totale dans le cadre de la création de l’univers de Valérian et fondre les différents éléments en une seule vision, Luc Besson a amené les départements de la production à travailler ensemble, comme une seule et même équipe. Les lumières (des LED permettant de modifier facilement l’intensité et les couleurs) ont ainsi été intégrées directement aux décors, alors que le directeur de la photographie, le chef-décorateur et le chef-costumier étaient amenés à partager leurs approches et créations. « Tout était chapeauté en permanence par Luc », se souvient Hugues Tissandier. « Tous les étages ont œuvré conjointement à la fabrication, comme s’il n’y en avait qu’un ».
Intégralement tourné à la Cité du Cinéma de Saint-Denis, Valérian a accaparé quasiment tous les studios disponibles de la structure, durant plusieurs mois. Le chef-décorateur Hugues Tissandier se souvient : « Nous avons utilisé 7 plateaux à la Cité du Cinéma… mais nous en avions besoin de 28. Il a donc fallu mettre en place un turn-over pour que chaque plateau soit utilisé quatre fois, avec parfois un décor, parfois plusieurs décors. Au total, nous avons fait appel à 48 décors, sur un peu moins de 100 jours de tournage, soit un nouveau décor tous les deux jours. Après, malgré ce travail énorme, il faut garder en tête que le film est illustré principalement par les effets visuels. Le numérique amène tout l’univers et la démesure. 70 à 80% du film est porté par des effets visuels. Les décors réels sont répartis entre 60% de construction et 40% de fonds bleus. »
« Il faut savoir se détacher du dessin. La vignette de BD est très petite, il y a très peu de détails et on n’est pas dans la précision d’un textile ou d’un gros plan de cinéma. Le piège serait donc de rester trop près du dessin stylisé. C’est pour ça qu’entre le dessin de Mezières et la fabrication des costumes pour le film Valérian, il y a le travail des concept-designers spécialisés dans la science-fiction, qui livrent des dessins riches de détails qu’on ne trouve pas dans la BD. Si on reste trop proche de la BD, le costume est presque trop plat, un peu ‘parc d’attraction’… Le piège est vraiment là. (…) Je n’ai jamais fait quelque chose d’aussi compliqué. Il y a beaucoup de fabrication, de choses très différentes. Les costumes des deux héros représentent une partie du travail, mais il y a énormément d’autres personnages, qui parfois traversent simplement l’écran, des personnages d’un instant complètement inventés. Et comme il s’agit de science-fiction, ce sont des matériaux qu’on ne connaît pas et un travail sur le futur qu’on a peu l’occasion d’aborder. (…) Le film est vraiment sujet au mélange des cultures, car il y a énormément d’aliens venus de mondes différents. Quand on tourne la réunion des chefs d’états, c’est un rassemblement d’aliens très différents, créés avec des techniques différentes pour obtenir des rendus différents. Certains personnages viennent du monde animalier, d’autres du monde technique, certains évoquent la cuirasse ou l’armure quand les autres viennent plus du biologique et de l’anatomique… Le personnage du pirate qui est joué par Alain Chabat est fait de rabibochage de bouts de trucs. Cette diversité correspond au bestiaire du film, qui nous avait été présenté à travers une frise rassemblant tous les personnages et les différenciant en termes de tailles et de volumes. »
Costumes centraux du long métrage, les spacesuits des deux héros ont demandé une recherche approfondie au département d’Olivier Bériot, alors que Luc Besson souhaitait s’éloigner des combinaisons blanches de la BD, trop ancrées dans les années soixante-dix, pour tendre vers une approche plus futuriste, « comme une combinaison de super-héros très technologique, à la fois fonctionnelle et tendance ». Il était également essentiel de conserver le trait de Mézières, et donc de proposer des combinaisons très fines, soulignant la taille des comédiens. Au final, le costume ne dépasse par cinq millimètres d’épaisseur, et s’apparente à une combinaison en mousse recouverte de peinture métallique, dont les parties rigides sont faites en résine d’époxy et les parties articulées en lycra.
En octobre 2015, quatre mois en amont du tournage, Luc Besson a lancé un grand concours en ligne, en offrant la possibilité aux internautes de soumettre des designs de costumes pour certains personnages du film, dans le cadre de deux scènes de foule. 3 350 propositions ont été reçues dans le cadre de ce concours, et les vingt meilleures ont été retenues pour être fabriquées par l’équipe du chef-costumier Olivier Bériot.
Le responsable du story-board, Eric Gandois, se souvient de sa rencontre avec les créateurs de Valérian & Laureline : « C’était impressionnant de rencontrer Christin & Mézières. Ce sont des génies, quand même ! C’est très dur de me dire qu’ils ont pu voir mon story-board et qu’ils ont eu un regard sur mon travail… Après ils ont bien compris que la narration n’est pas la même entre un long métrage qui nécessite 2000 à 2500 dessins et une BD qui est composée de 300 à 400 dessins. Le cadre est également différent, figé en story-board et beaucoup plus libre en BD, où une vignette peut prendre une page entière. Le story-board repose sur un langage très précis et spécifique. »
Les Pearls, créatures pacifiques, mystérieuses et androgynes au centre du long métrage, ont été animées par les artistes digitaux de WETA, en se basant sur les séances tournées en performance-capture par Luc Besson. Les personnages sont campés par des mannequins filiformes, qui ont suivi six mois de cours de comédie intensifs pour les besoins du long métrage, à l’image d’Aymeline Valade, Pauline Hoarau et Sasha Luss, qui incarnent respectivement l’Empereur Haban-Limaï, l’Impératrice Aloï et la Princesse Lihö-Minaa. Le design des Pearls a évolué entre la bande dessinée (où ils apparaissent brun-orange avec des marques tribales blanches) et le long métrage, où Luc Besson a souhaité leur donner une peau pâle et nacrée, proche d’une perle, et une capacité à changer de couleurs en fonction de leurs émotions, à l’image des pieuvres. La forme particulière de leurs oreilles a été suggérée par le cinéaste en coupant une feuille de papier en pointes. Enfin, pour leur village, il a été imaginé en remplaçant les maisons d’un village côtier grec… par des coquillages géants.
Afin d’élaborer la séquence d’ouverture, qui voit Valérian et Laureline mener une mission entre deux dimensions dans un gigantesque supermarché d’un million de boutiques étalées sur cinq cents niveaux, Luc Besson a fait appel aux élèves de la Cité du Cinéma. Ne parvenant pas à expliquer sa vision (ambitieuse et novatrice) de la séquence aux techniciens et responsables des effets visuels, il a ainsi mis à contribution les cent vingt étudiants durant trois semaines pour tourner les six cents plans de cette scène et monter une maquette qui a servi de référence aux différents départements par la suite. D’une durée de 18 minutes, la scène finale respecte parfaitement cette ébauche, à une vingtaine de secondes près.
Avis aux lecteurs des aventures BD de Valérian et Laureline, et aux fans de la filmographie de Luc Besson ! Valérian comporte son lot de petits détails cachés, comme le confirme le chef-décorateur Hugues Tissandier : « Nous faisons des petits détails cachés, on s’y amuse. Ce que je peux vous dire, c’est que d’un film de Luc à l’autre, il y a toujours des accessoires du film précédent. Nous le faisons depuis Jeanne d’Arc, vous pouvez vérifier. Et parfois, on peut même retrouver du Jeanne d’Arc dans des films plus tardifs… » Le Cinquième Élément est également et logiquement référencé, à travers des personnages écartés du film-culte de 1997 et réintroduit vingt ans plus tard pour peupler la cité des mille planètes ou le marché qui ouvre Valérian, mais aussi à travers le taxi volant de Korben Dallas : le véhicule a ainsi été glissé au détour d’un plan par les artistes digitaux de WETA, avec six autres clins d’œil. Notons également que le design des casques portés par les touristes visitant Big Market est un clin d’œil appuyé et assumé au taxi volant. Autre clin d’œil, un bar baptisé le « Korben’s » peut être aperçu dans le marché. Enfin, les spectateurs attentifs pourront apercevoir, toujours lors de la séquence de Big Market, entassés le long d’un mur, une douzaine de monolithes, hommage appuyé à 2001 : l’odyssée de l’espace.